Le saltimbanque et le bateleur

A première vue, ils se ressemblent. D’ailleurs, ne nous y trompons pas : ni l’un ni l’autre ne sont allés puiser leurs idées en la fontaine (en minuscules). C’est-à-dire que l’Eau (majuscule), enfin la Source (majuscule), ce peut être tout aussi bien de l’eau de grappe - donc du vin (minuscule). Enfin, minuscule, c’est vite dit. Plutôt une dose mag…istrale que minuscule. Bref, tout ça pour dire que la source n’est pas toujours la fontaine. Il n’y a pas plus de saltimbanque des villes et saltimbanque des champs que de bateleur des villes et bateleur des champs. Battre la campagne, c’est autre chose. Quoi que… Pour “Le Savetier et le financier”… (air de doute).

Le second, le financier, trouve des échos dans le saltimbanque. Quant au premier, le savetier, il n’est pas sans rapport avec celui qui nous mène en bateau. Eh oui, pour peu que le bateleur ait de grands pieds… des bateaux ! On a d’ailleurs vu ce que ça donne dans la fable si l’un marche sur les plates-bandes de l’autre. Le pauvre savetier ayant à veiller sur un capital n’en dort plus, c’est à en devenir fou, pour lui. Tiens, pour un peu, il en deviendrait saltimbanque (le récitant se fige après avoir dit “Banque”)… et n’a plus qu’à faire banqueroute. Bref, un saltimbanque et un bateleur, ce n’est pas tout à fait la même chose, tout de même. (Pause). Enfin, non, justement, pas tout de même. (Sur le ton de la confidence : ) ce qui fait la différence, c’est le degré de folie : l’un est un peu plus fou, un peu follet. Ça, c’est notre bateleur. Et comme il faut battre le fer tant qu’il est chaud, notre bateleur est un peu feu-follet sur les bords. L’autre est le fou majuscule. Oui, je sais : majuscule, c’est un peu tiré par les cheveux : on dit souvent “saltimbanque” comme on dirait “minus”. Donc, l’un est plus battu que bateleur, et l’autre ne veut pas en rabattre. Là, j’avoue, c’est une ressemblance. Mais l’artiste, là-dedans ? Est-il bateleur ou saltimbanque ? Son banquier veut qu’il soit bateleur - c’est-à-dire un Vendeur (mais attention : un vendeur majuscule, hein !) - tandis que sa conscience lui dicte d’être saltimbanque. Et si l’artiste le prend mal, alors là ça risque de mal tourner : son imagination va se mettre à banquer ; ses sous vont valser. Mais un tour plus loin (que celui qui tourne mal) et banco ! Car “saltimbanque” vient du latin “saltimbanco”, ce qui veut dire : “qui saute sur le tremplin”. Voilà notre saltimbanque qui retombe sur ses pieds, ceci pour mieux rebondir, car le bateleur saute sur l’occasion à pieds joints. Forcément ! Il fait la belle ! Bien sûr, il y a des hauts et des bas. Que le bateleur fasse des siennes, et c’est Saltim (majuscule) qui banque. Le saltimbanque, quant à lui, peut mener le bateleur en bateau - et là c’est l’arroseur arrosé ! Comme quoi, faire la belle, pour nos deux compères, ce n’est pas une affaire qui va de soi mais de paire. Un couple, quoi. Et même un fameux, du style “L’Epoux infernal et la vierge folle”. Allez chercher qui est qui, là-dedans ! C’est encore une histoire de saltimbanques ! (Un temps d’arrêt). Mais c’est qu’on oublie le bateleur ! Lui qui est là pour que, justement, on ne soit pas menés en bateau (geste pour rappeler les “bateaux” du bateleur), mais pour que l’on trouve chaussure à son pied ! (Le récitant s’incline).

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