L'artiste n'est pas dans la note

Il vous jouerait bien quelques mots à votre portée, or voilà que ces mots sont encore là, à même le sol, sans leur clé. Il y a de quoi s’emporter : l’artiste n’est pas dans la note !

C’est qu’en fait, il a tellement peur de faire une fausse note qu’il ne souffle mot. Il broie du noir, c’est-à-dire qu’il confond les blanches avec les blancs. Ce qu’il écrit sur sa portée, il doute que ce soit à la nôtre, de portée. Le voilà qui s’impatiente, s’énerve : “Que le diable l’emporte !”, s’exclame-t-il en pensant au public qui l’attend au tournant. Pour finir, il prend une décision : c’est réglé comme du papier à musique, il tourne la page.

C’est alors que son regard tombe sur une autre portée - sans notes, celle-ci - et qu’il se retrouve face au public l’attendant au tournant. “ - Faisons abstraction de ce public, de cette oasis de la renommée en plein désert et regardons les choses en face”, se dit-il. Il les regarda en spectateur. Ses qualités, il les projetait dans le regard du public qui, à son tour, se changeait en autant d’artistes : des acrobates, des comédiens, des bouffons, des hommes-orchestre…

C’était comme si on avait retourné un sablier. “Jamais je n’aurais imaginé que le public fût si versé dans les arts !”, se surprit-il à penser. C’était un bien singulier collectif que ce public ! En même temps, tout ceci était un peu vexant : il se voyait doublé, éprouvait un pénible effritement de sa personne. La réalité du public dépassait, ensevelissait la fiction de l’artiste devenu spectateur parce qu’il voulait voir les choses en face. Il allait finir noyé dans les talents et singularités de cette foule dont il était devenu l’artiste sans qualités.
Il se dit à ce moment-là qu’il était temps d’opérer un retournement. Ah, il n’était pas dans la note ? Eh bien, il allait se mettre à la page. Il s’attela à sa portée - celle de la page qu’il avait tournée. C’est ainsi qu’un attelage passa à portée de l’artiste qui opportunément saisit l’occasion. Car inutile de l’aborder sous des faux airs, le public : c’est qu’il connaît la chanson !

Et au fait, que vient-il faire dans l’histoire, le sablier ? C’est un instrument de musique fictif, servant à unir l’air et la chanson dans le temps.

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