Sur le pont d'Avignon

Du train, vue sur le Château d’Avignon. A mesure que le train s’en éloigne, un passager voit ce château grandir, ses contours s’estomper toujours plus nettement , pendant dix secondes environ.

“J’ai toujours voulu écrire. Etait-ce un mythe ? Mon mythe ?”

Le passager couvrit cette question de tout son visage. La promena des yeux et de la bouche, des mains ensuite. C’était par un travail sur la mythologie qu’il en était venu à l’écriture. C’est-à-dire qu’il vint pointer sous l’interrogation - jusqu’à ce qu’il la sente poindre en lui. De pointer à poindre.

Ecriture-château (du bout des yeux) ; écriture-chemin (à pleines mains). Allées et venues du château au chemin, de moins en moins abruptes ou escarpées, de moins en moins compulsives. Oui, ce château fut un errant des grands chemins. Quant à notre passager, il avait tenté d’habiter les routes comme on habite un château.
Par la suite, il mêla aux lieux des instants, des bouts de temps, un peu comme on mêle du beurre en petits morceaux à la détrempe pour faire une pâte feuilletée. A une époque, il marcha sur les routes comme s’il avait été sur des oeufs. Les mythes à eux seuls ne nous disent pas ce qu’il advint de lui. Pour cela, il faut un peu d’histoire, de même que ce passager a eu et a fait des histoires pour advenir.
Qu’entendait-il par mythe : prenons l’exemple de l’eau. Moins il y en avait autour de lui, plus elle se faisait rare là où il se trouvait et plus il redoublait d’efforts d’imagination pour la définir, l’étudier, l’apprivoiser dans les syllabes, les rimes et vers - pensant ainsi étancher sa soif. Il lui en a fallu, du temps, avant de trouver des moulins où s’arrêter et travailler. Des moulinets aux moulins. Bien des gens vous diront qu’ils ne voient pas la différence. On leur parle d’eau ; ils n’y voient que du feu. Et lui écrivit pour ces gens. Avant tout pour ces gens. Là encore, il lui a fallu du temps pour faire la part du feu. Les joues et doigts en feu, il écrivait. C’est-à-dire qu’il incendiait ses mots. Ensuite, la marée de feu baissa. Il vit deux mains de femme, comme un âtre. Ces mains, de leur souffle, attisaient les braises.

Il n’écrivit plus les mains brûlées, alors qu’il s’était contraint, un temps, à la tactique de la terre brûlée. Les temps se faisant brûlants, il les brûlait. Par où ils péchaient, il se punissait. Il se crucifiait de leur cruauté. Cela aussi, c’est une forme d’agression de l’autre, si cet autre vous aime. Un écrivain doit prendre son temps, celui avec lequel il vit, au pied de la lettre, pensait-il. Mais il comprit un jour ou une nuit qu’on ne mettait pas le feu aux cendres. On les enterre, on les jette en l’air ou à l’eau, etc. Toujours le même principe : les racines proportionnelles aux branches, et ainsi de suite.

“Sur le Pont d’Avignon, on y danse tous en rond"

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